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Mon public c'est la personne qui est à de moi
 
 
Si tu filmais cela, ce serait "doublement inmontrable"... mais au moins cet obstacle serait de la réalité...

Oui, nous serions complètement dans le réel. Et c'est ce que je défends par rapport à la difficulté. Une image reste toujours difficile à faire et à montrer. Une image implique toujours une sorte de passif, de coulisse. Il y a toujours un travail caché qui préside à l'apparence finale d'une image. Même ce qu'on en voit n'est jamais exactement ce qu'elle est...

Si tu dis que c'est difficile, presque impossible, est-ce que tu ne les décourages pas ?

Ce que je veux c’est qu’ils soient conscients de cette difficulté. Qu’ils s’agissent de la création ou de la diffusion des images. Je n’oblige personne à créer quelque chose à tout prix ou à diffuser sa vie à la télévision. Les gens peuvent fréquenter nos ateliers et en sortir sans avoir forcément produit quelque chose. Ce n'est pas ça qui compte. Et même en cas d'échec, on apprend nécessairement toujours quelque chose. Au contraire, la difficulté du projet peut même les stimuler.

À travers une réalisation comme le projet "pâte à modeler", penses-tu pouvoir aller au-delà de cet aspect caché du processus de l'image dont tu parlais tout à l'heure ?

L’objectif est celui de la création et de la diffusion des images, faire partie de cette boucle qui relie la parabole à la télévision du pays d’origine. C’est encore une fois libérer les images des tiroirs : qu'il s’agisse de pâte à modeler, de collages, de fictions, de clips vidéo sur le hip hop, de documentaires sur un mariage marocain ou d'incendies de voiture. Il faudrait un jour pouvoir travailler sur ce phénomène des voitures brûlées au Val Fourré ou ailleurs, sachant bien que la première génération maghrébine était venue en France pour travailler dans les mines et assembler des pièces détachées d'automobiles et que la nouvelle génération les brûle, les démembre et les met en pièces. Il y a tellement de questions, comme celles-ci qui se posent. Il y a des conflits de générations, des problèmes avec les "étrangers". Voilà d'ailleurs un lapsus intéressant car, dans les banlieues, ce sont les Français qui sont "étrangers". C'est là que s'opèrent des renversements inattendus. Comme dans la vidéo "Les autres, c'est les autres" cet Africain qui disait d'un ton convaincu : "...Des étrangers ? Mais il n'y a pas d'étrangers" tandis que les Français interrogés répondaient pour leur part "Mais, il n'y a que des étrangers".

Puisque, pour les gens du Val Fourré, les étrangers ce sont les Français et que leur vrai pays reste leur pays d’origine, que signifie pour eux un lieu comme Mantes la Jolie, une plateforme...?
Je dirais peut-être une gare, un aéroport, une salle d’attente. La plupart n’ont qu’un seul rêve "partir" ici c’est l’échec, on ne peut pas débarquer ici, si on a réussi sa vie ailleurs. Cette situation me rappelle beaucoup la situation des jeunes Marocains qu’on appelle harraga qui veut dire les "brûleurs", tous rêvent de "partir". Parfois, j’ai l’impression que Mantes la Jolie, n’est qu’un projet.
Un projet ?
Oui, un projet. Et non pas une ville.

Mais est-ce que pour eux aussi c'est un "projet" ?...
Non, mais j'aimerais les amener à cette réflexion qui consiste à comprendre que le malaise que nous sentions vient de ce que nous ne sommes pas, en fait, dans une vraie ville. Ainsi l’idée du projet pousse à la construction et non au contraire.

Tu veux dire, même architecturalement ?

Le mot même "Val Fourré" dit tout. C'est terrible de voir comment l'architecture écrase les gens et les met en boîtes. Lorsqu'on s'approche des parkings, il y a des traces de voitures brûlées, des traces de débris de verre autour de chaque cabine téléphonique, chaque arrêt de bus. Je t’assure que c'est une ambiance pas terrible. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler un lieu de vie.
 
 

 

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© Mounir FATMI
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